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Les Textes de Vincent
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Les Textes de Vincent

VIP-Blog de vinny53poesie
  • 45 articles publiés
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  • Créé le : 25/03/2010 19:07
    Modifié : 26/06/2012 15:26

    Garçon (52 ans)
    Origine : la Mayenne
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    [ Les Furtives ]

    Blessures Africaines Partie 2

    25/08/2010 13:03



    Le groupe émettait de plus en plus de bruit, tout le monde à présent devait être levé, il paraissait évident que l’action se voulait immédiate. Quelques minutes s’écoulèrent avant qu’Omar vienne l’extirper de sa cabane. Il la prit de force par le bras et l’emmena précipitamment dans la chambre qui tenait lieu de bureau à Touera. Celui-ci l’accueillit de manière brutale.

    -- Vous ne m’avez pas dit que vous aviez soigné le fils du président

    -- Pourquoi vous l’aurais-je dit ? Je n’ai pas de compte à vous rendre, de plus cela relève du secret médical !

    -- Alors vous soignez les tyrans et vous prétendez être de notre côté.

    -- Je n’ai jamais prétendu être de vôtre côté, par contre je vous rappelle qu’il est de mon devoir de venir au secours de ceux qui nécessitent mes soins, sans me soucier de leur origine ni du camp auxquels ils appartiennent. Cela constitue l’une des principales règles du serment d’Hippocrate, mais vous ignorez surement de quoi je parle.

    -- Cessez de me prendre de haut, je sais parfaitement ce qu’est le serment d’Hippocrate. Mais vous deviez me le signaler.

    --Ah ! Et qui êtes vous pour prétendre exiger ce genre de chose ?

    -- Je suis votre chef, vous devez tout me dire!

    -- Vous ne m’êtes rien que mon ravisseur et je ne vous dois rien! Mais je suppose que vous ne m’avez pas fait venir de manière aussi sauvage pour me reprocher le choix de mes patients !

    -- Il se prépare quelque chose et mes services de renseignements m’ont révélé que vous fournissiez des documents à l’ennemi !

    --quoi ? Quel ennemi ? De quoi parlez-vous ?

    -- ne me prenez pas pour un idiot je vous prie !

    -- Désolé mais j’aimerais comprendre. En ce qui me concerne je ne suis l’ennemi de personne, ce conflit ne me regarde pas et je ne révèle ni ne donne de document à qui que ce soit! C’est clair ?

    -- Je suis très bien renseigné sachez-le ! Et je sais de source sure . que vous avez communiqué un document au fils du président!

    -- Alors vos sources ne sont pas aussi fiables que vous le croyez, je n’ai vu le fils du président qu’une seule fois et il était dans un piteux état. Je l’ai soigné du mieux que je pouvais, ensuite les infirmiers se sont occupés de lui et on l’a transporté par hélicoptère dans une clinique d’Abidjan. Je n’ai plus eu de nouvelles depuis hormis celles que j’ai lu dans la presse.

    -- Je connais mes sources et j’ai plus confiance en eux qu’en une petite bourgeoise américaine qui cherche à se donner le frisson en venant soigner les petits noirs d’Afrique !

    -- Pensez ce que vous voulez de moi, mais je ne vous autorise pas à douter de la conviction de mon engagement. Certes, je reconnais que ma démarche peut parfois être égoïste puisque c’est la seule manière que j’ai trouvé pour me faire oublier ma souffrance et essayer de me trouver personnellement, mais lorsque je me consacre à un patient , je n’ai d’autre souci en tête que de le voir guérir ou à défaut améliorer ses conditions de santé.

    -- Je sais que vous êtes un bon médecin, mais avouez que votre petite vie de bourgeoise New Yorkaise vous ennuyait un peu et que vous êtres venue ici chercher le frisson.

    -- vous me prenez pour qui, d’ailleurs je n’étais pas à New York quand je suis venu ici mais à Johannesburg

    -- oh c’est pareil , pour les blancs l’Afrique du sud c’est une autre colonie de blancs!

    -- Pff ! Je vous plains , vous êtes aveuglé par la haine, vous voyez des racistes partout sans vous rendre compte que vous êtes le pire des racistes vous-même. En fait vous ne cherchez pas la justice mais juste quelques prétexte pour justifier votre soif de violence et de sang. Vous tuez vos frères africains pour prétendre que c’est la faute des européens et des américains si vous en êtes arrivé là. Vous massacreriez votre propre famille si ça pouvait servir votre haine en prétendant qu’ils ont été massacré par les blancs ou leurs serviteurs. Vous vous livrez à une bataille qui date du début du siècle, je veux parler du précédent le vingtième. Vous avez la même rage, la même colère que ceux qui se battaient contre l’apartheid, ou les manifestants des années soixante en Amérique, sauf que leurs causes à eux étaient justifiées.

    -- Qu’Est-ce vous êtes vous, pour prétendre tout savoir de mes raisons et le bien fondé de mon combat ? La petite américaine ou canadienne peu importe, c’est le même continent, un continent ou les blancs règnent en maître depuis qu’ils on décimer les indiens , et réduit les noirs à l’esclavage. Un continent où seuls ceux qui ont le teint vraiment blanc on le droit de prétendre à la justice. Votre nouvelle cible étant présentement les musulmans d’où qu’ils viennent puisque vous prétendez qu’ils sont tous des terroristes.

    -- Arrêtez ! Vous ne savez pas de quoi vous parlez . Et ne me mettez pas dans le même panier qu’une poignée de conservateurs extrêmes et paranos qui voient l’Amérique en danger chaque fois qu’ils croisent un musulman. ! De plus je me contente de vivre aux Etats Unis en gardant ma citoyenneté canadienne, personne me m’oblige à épouser toutes les convictions américaines. Et je compte beaucoup d’amis américains qui sont loin de partager ces opinions là. Vous vous contentez de suivre ce que prétendent certains journaux anti américains qui veulent déstabiliser le pays.

    -- Ah ! Parce que ce sont vous les victimes maintenant !

    -- Je n’ai pas dit cela ! Les seuls victimes dans tout cela , sont celles qui subissent les violences d’intolérants tels que vous et il y en a partout dans le monde. Et puis je ne suis pas là pour discuter de géopolitique avec vous, je n’ai rien à voir dans tout ça , mais ce n’est que ma parole et je sais qu’elle ne compte pas à vos yeux mais je n’ai que ça, vous devrez vous en contenter. Maintenant libérez nous mon fils et moi ou ramenez moi dans ma prison, je ne supporte plus d’entendre vos arguments à la con.

    -- Au moins vous avez du tempérament vous ! J’aime ça !

    -- Alors vous me libérez ou quoi !

    -- J’ai encore besoin de vous, mais je vais être obligé de vous déplacer !

    -- Avec mon fils ?

    -- Non ! Si je vous sépare vous serez plus coopérative !

    -- Hors de question je ne bouge pas d’ici sans Henri !

    -- Vous ferez ce que je vous dis ! C’est moi qui donne les ordres ici Ça doit vous changer d’obéir !

    -- Je peux au moins le voir avant de partir ?

    -- allez-y je vous accorde cinq minutes !

    Anita trouva Henri dans la pièce où elle l’avait vu quelques jours auparavant. Il semblait juste un peu plus las et plus maigre. Quand il la vit, il se blottit tendrement contre elle, des larmes pénétraient le tissus du teeshirt de la jeune maman, elle ne put retenir les siennes. Elle le serrait comme si elle craignait ne plus le revoir. Pour la première fois depuis sa captivité, elle redoutait le pire. Elle avait soudain la sensation que l’issue ne pouvait que lui être fatale, pour montrer sa détermination Touera devrait l’utiliser pour l’exemple en la sacrifiant. Elle en était à présent persuadée , le ton qu’il avait employé ne faisait que renforcer sa conviction, elle ne lui avait pas donné de raisons de lui faire de cadeau. Curieusement même si l’idée de mourir l’effrayait son principal soucis tendait à la survie et au bien être de Henri. Elle réalisait en ces instants douloureux ce qu’il représentait pour elle. Jamais le terme de «  maman » ne lui avait autant collé à la peau.

    Lorsqu’elle l’avait recueilli un an auparavant, elle l’avait aimé aussitôt, sa candeur mêlée à la lucidité devant les nécessités du quotidien l’avait séduite. Ce petit homme fragile et solide pourtant savait adopter les gestes et les décisions qui s’imposaient au moment opportun. Bien souvent Anita avait du le consulter pour obtenir les réponses à des décisions difficiles, Henri la rassurait, la consolait même, il avait le don de trouver les mots justes et les bons remèdes aux difficultés. Mais la jeune femme se rendait compte qu’à ce moment précis il n’appartenait qu’à elle de prendre les décisions et de protéger son enfant. Etre mère, cela avait représenté des responsabilités, des actes de raison, des bénédictions aussi en lui offrant un confort salutaire d’échanges affectifs ainsi qu’un lien solide. L’heure n’était plus au câlineries et aux jeux d’enfant baignant dans la tendresse, elle devait lui dire adieu avec toutes les recommandations que la séparation somme toute définitive impliquait. Elle le décolla de sa poitrine, lui saisit le visage en le fixant au plus profond de son regard humide :

    -- Henri écoute moi bien, nous allons être séparés, il se peut que je ne revienne jamais, tu dois continuer à travailler et surtout ne pas rester à larmoyer. Tu continueras d’aller à l’école et pendant ton temps libre tu pourras aider au dispensaire et te rendre utile comme tu sais si bien le faire. Rien ne changera pour toi, tu es mon fils et cela restera toujours, ne crains rien, je veillerai sur toi, je t’aime !

    -- Tu vas mourir ? Je ne veux pas que tu partes maman !

    -- Il le faut , moi non plus je ne veux pas partir, je voudrais pouvoir m’occuper de toi encore longtemps, mais ….

     

    A ce moment l’un des hommes du groupe qui venait d’arriver, arracha l’enfant des mains de sa mère, elle n’eut que le temps de lui dire «  promets moi de faire attention à toi, mon fils ! » Les deux êtres se quittèrent dans un silence qui ressemblait davantage à un immense cri. Anita fut plongée dans camion militaire reconverti en convoi de marchandises humaines. Les hommes qui l’encadraient ne présentaient guère de signes d’espérance. L’un d’eux, un homme taillé comme une armoire esquissait une moue sous un regard dur, une cicatrice récente sur la joue gauche lui donnait une allure de pirate d’un autre temps. Un autre la reluquait comme s’il convoitait une stripteaseuse dans l’espoir de se délecter de sa chair. Anita ne voulant surtout pas lui montrer son angoisse, affichait un regard de glace signifiant son mépris et son dégoût. Le troisième homme semblait plus conciliant. Agé d’une vingtaine d’années, il arborait une face plus joviale. Il faisait penser à l’un de ces héros de films hollywoodiens prêts à se sacrifier pour sauver son pays. Son visage séduisant n’était pas sans rappeler un «  Denzel Washington » ou un « Sydney Poitier » de la grande époque. Assise inconfortablement sur un sac de farine de maïs, la pauvre femme se demandait quelle fin allait-on lui réserver. Eprise d’une audace de mère, elle interrogea l’ensemble:

    -- Qu’Est-ce que vous allez faire de mon fils ?

    -- Je ne peux rien dire, ( répondit le plus gentil)

    -- Je vous en supplie, ne lui faites pas de mal, le tuer ne servirait pas votre cause!

    -- Taisez-vous ! Je ne peux rien vous dire, je ne sais rien !

    -- Où est Nasir Touera ?

    -- Cela ne vous regarde pas !

    -- Mais c’est bien lui qui commande !

    -- Plus maintenant !

    -- Comment ça plus maintenant ?

    -- Je ne peux rien vous dire !

    -- Ah une petite blanche rebelle, tout ce que j’aime ( ajouta le pervers sexuel)

    -- La ferme Eugène ! ( rétorqua le jeune)

    -- Ok ! Mais ne crois pas que tu vas pouvoir te la garder pour toi !

    -- Pour l’instant, on fait comme le chef a dit, et ne t’avise pas de la toucher !

    -- Qui est votre chef ? Comment s’appelle-t-il ? ( demanda Anita un peu rassurée)

    -- Je ne peux rien vous dire madame !

    -- Vous savez tout de même qui vous dirige !

    -- Dis lui, Saïd de toutes façons elle ne sera plus là pour le répéter ! ( ricana le balafré)

    -- Pour l’instant on n’en sait rien !

    -- Alors vous allez me tuer hein ! Pour l’exemple sans doute ! Même si ça ne pourra que vous apporter des ennuis. Les gouvernements américains et canadiens mettront vos têtes à prix , on vous exécutera comme de vulgaires bandits, ah elle est belle votre révolution!

    -- Dis lui de la fermer Saïd ou c’est moi qui lui fait son affaire!

    -- Fermez-là , vous commencez à nous échauffer !

    -- Vus n’avez pas l’air un tortionnaire vous !

    -- Ne vous fier pas aux apparences ! Je suis pire que ces deux gugusses !

    -- Il a raison madame, lui c’est un tueur né, et si vous le voyez quand il torture alors là rien ne lui fait plus plaisir que d’entendre crier un mec à qui on arrache les doigts de pieds, pas vrai Gustave!

    -- Ah ça oui alors !

    -- ça suffit vous deux ! Foutez-nous la paix bon sang !

    -- Vous croyez m’impressionnez avec votre petit numéro de sadique !

    -- Je vous ai dit de la fermer !

    -- J’ai tout de même le droit de savoir qui va me tuer, ça m’aidera dans les intentions de prière!

    -- Parce que vous priez, vous !

    -- pourquoi, ça vous étonne ?

    -- que vous priez pour des révolutionnaires africains, oui

    -- Mais qu’Est-ce que vous avez dans ce pays à croire qu’on vous méprise, vous croyez que je serai là si c’était le cas ?

    -- On sait que c’est juste par intérêt économique, votre pays traite de gros marchés ici.

    -- Pff! Je ne vais pas recommencer à discuter, je suis fatiguée de toute cette haine, ce racisme anti blanc, cette violence gratuite, ce sang versé soit disant pour rétablir la justice et l’égalité ! Vous êtes tous pareils, des assoiffés de sang prêts à tout pour justifier vos conflits, vos guerres et vos massacres pendant que des femmes, des enfants, des vieillards subissent les contre coups ! Vous n’êtes que des barbares, il suffit de regarder l’autre là , avec sa tête de pervers entrain de se demander quand il va pouvoir me violer! Et celui-là qui semble pouvoir tuer froidement sans réfléchir par obéissance ou cruauté ou les deux. Quand à vous je n’en parle même pas avec votre gueule de beau gosse, vous êtes peut être le pire, vous jouez les sages et vous seriez prêt à me tuer sur le champ si ça faisait de vous un héros aux yeux de toute l’Afrique. Vous êtes pitoyables ! Je vais peut-être mourir mais moi au moins j’aurais essayé de faire en sorte que ça aille mieux ! J’ai sauvé des vies, pas assez bien sur mais j’ai tenté de réparer ceux que vous avez brisé.

    -- Ah vous vous croyez meilleure que nous !

    -- Je n’ai pas prétendu ça ! Je dis juste que mon action reste en adéquation avec mes idéaux, je ne réussis pas toujours à faire au mieux mais je m’y emploie !

    -- Vous croyez qu’on est juste des assassins , des gens sans scrupules prêts à tuer pour défendre leurs idées!

    -- C’est bien ce que vous me dites non ?

    -- Tu veux que je lui ferme ça gueule Saïd ?

    -- Non, c’est bon Gustave, d’ailleurs on arrive !

    Les trois hommes saisirent Anita et la balancèrent hors du camion. Elle se retrouva au milieu d’un village de brousse, quasi abandonné de la population de ce pays. Les femmes à demi nue la dévisageaient comme si elles n’avaient jamais vu de blanche de leur vie. Les enfants dansaient, à la fois surpris et réjouis que cette « Madone » daignât leur rendre visite. Les hommes semblaient avoir déserté ce village en dehors des trois qui l’accompagnaient , la gent masculine semblait absente. Eugène et Gustave l’entrainèrent dans une case spécialement aménagée pour elle. Une femme d’âge mur vint lui apporté une calebasse et une écuelle de maïs pilé. Timidement une fillette pénétra dans son espace, un regard ébloui nanti d’un sourire radieux éclairait son visage d’ébène sali par la boue des marais d’alentour. Quelques autres enfants s’aventuraient peu à peu pour venir admirer la dame blanche au regard d’océan, à la chevelure de blé qui venait hanter leur village. Depuis qu’elle était en Côte d’Ivoire, Anita avait entendu parler de ces villages au cœur de la brousse, de ces gens qui vivaient comme leurs ancêtres en respectant les coutumes ancestrales sans jamais faillir aux traditions. Mais elle avait supposé qu’on exagérait en lui contant ces légendes de peuples imperméables à la civilisation et au progrès. Force lui était de constater la vraisemblance de ces dires. Elle les avait devant eux. Simples, accueillants, sincères et forts de leur expérience et de leur sagesse, et riches de leur dénuement , ils lui ouvraient les bras, curieux certes, mais si hospitaliers qu’elle s’installa apaisée , dans l’inconfort de ce gîte qui lui tendait les bras, pour s’endormir d’un saut sur la paillasse offerte.

    Cela faisait une dizaine de jours que Anita vivait parmi les « mokasso » cette tribu oubliée et quasi inconnue même de la Côte d’Ivoire. Ils s’exprimaient dans un dialecte connu d’eux seuls. La doctoresse commençait à saisir les bribes de leurs conversations. Leur langage ne se composait que de syllabes et de groupes de mots, ce qui lui permettait de deviner faute de tout comprendre. Ces gens lui apportaient l’attention et la générosité que seuls les peuples dits «  sauvages » sont capables d’offrir. En revanche elle soignait leurs blessures grâce à son savoir conjugué à leurs connaissances multiples des effets bénéfiques de la végétation. Ces échanges donnaient matière à diverses confrontations allant parfois jusqu’aux discussions ardentes où la sagesse des uns et des autres savaient fort heureusement y mettre un frein avant d’atteindre le conflit. Ces heurts bien que rares donnaient à chacun l’occasion de s’enrichir davantage sur le plan personnel. Seule ombre au tableau, l’absence de Henri. Dans cet univers d’un autre temps où l’authenticité remplace les artifices technologiques, ni téléphone, ni télévision et encore moins d’ordinateur n’autorisait la communication avec l’extérieur. Depuis qu’on l’avait déposée là, Anita n’avait pas revu les trois hommes du mouvement révolutionnaire. Il ne lui était pas possible de savoir ce qu’était devenu Henri, ni Ahmed, ni même Nasir Touera qui représentait plus à ses yeux l’idéaliste égaré que le dangereux révolutionnaire qu’il s’efforçait de paraître. La jeune femme prenait soudain conscience que son ancien ravisseur ne contrôlait plus rien, le mouvement lui avait échappé, elle réalisait alors qu’on l’avait amené dans cette brousse pour la protéger de gens plus redoutables que lui. Mais pourquoi n’avait-on pas permis à Henri de l’accompagner ? Craignait-on pour sa vie, en raison de son ethnie et de son appartenance au grand continent ? Si Henri faisait, lui, partie de la « bonne » ethnie, il n’en n’était pas moins son fils à part entière, du moins elle en était persuadée, même si la procédure d’adoption n’était pas encore terminée.

    N’D’aye avait douze ans. Comme Henri il affichait sur son joli visage d’ébène un sourire attendri. Bien que pourvu de parents aimants et attentifs, qu’il partageait avec ses quatre frères et sœurs, il semblait attaché à la femme blanche qui le soignait. Ses grands yeux marrons rappelaient ceux de son garçon. Il parlait peu, mais elle comprenait le moindre de ses regard, le moindre geste, et les quelques bribes de phrase qu’il lui adressait. Elle s’attachait peu à peu à ce gosse comme elle s’attachait aux habitants de ce village qui le lui rendaient bien. Mais N’D’aye avait quelque chose de plus, certes sa ressemblance avec Henri n’était pas étrangère à cet attachement, mais il lui donnait tant sans le savoir. Son cafard et son angoisse trouvaient en lui un remède tel un anxiolytique qui lui permettait d’aborder ses journées pesantes comme un temps de vacances sans son fils. S’il ne comblait pas totalement le vide laissé par Henri , N’D’aye allégeait chaque heure et chaque jour. Il lui montrait comment cueillir des baies étranges au goût amer au pied des arbres de la savane. Il la conduisait au ruisseau asséché où quelques tâches d’eau apportaient encore des richesses insoupçonnées de faune et de flore. Il se plaisait à lui montrer sa cabane jugée sur la cime d’un résineux. En raison de son jeune âge et surtout de son attitude de garçon manquée, Anita devenait une sorte de copain, de complice de jeux. Un jour au bord de ce qui tenait jadis lieu de mare où s’abreuvaient les animaux, ils étaient allongés paisiblement. Le garçon s’approcha peu à peu de la jeune femme pour l’admirer de plus près. Il se risqua d’un doigt dans la chevelure blonde qui laissait transparaître des racines, elle se laissa faire comme si elle ne comprenait pas. D’une main il lui caressa la joue en se risquant davantage, il lui posa un baiser sur les lèvres. Loin de se soustraire à ce baiser elle lui teint le visage et lui rendit son baiser en s’impliquant d’une étreinte engageante. Eprise d’un désir fougueux, elle se donnait en l’accueillant contre elle, le serrant de tous ses membres. Avant qu’il n’eut l’audace d’errer en son intimité, elle le relâcha d’un geste brutal, comme on s’arrache à un maléfice. Il s’en alla furieux, la laissant à ses larmes où chagrin et dégoûts se mêlaient sans distinction. Il s’écoula un long moment avant qu’ils ne se rencontrent à nouveau.

    Combien de temps s’était-il déroulé depuis que la jeune doctoresse habitait au village, elle-même n’aurait su le dire, à défaut de montre et de calendrier, dès l’aube elle scrutait le ciel pour y déchiffrer une date approximative. Elle pouvait sans trop se tromper évaluer sa présence à trois ou quatre semaines. Ce fut un de ces matins où le soleil de pourpre annonçait son accablante lourdeur, qu’un camion identique à celui qui l’avait déposée là arriva au village. Anita reconnut les trois hommes qui l’avaient accompagnée là, mais il n’étaient pas seuls, Henri descendit du camion. Dès qu’il aperçut sa mère, il courut à perdre le souffle. Elle demeurait stupéfaite, entre bonheur et consternation. Elle aurait voulu aller à son devant, l’étreindre, le lever tel un trophée, l’embrasser sans se contenir, mais quelque chose la retenait, comme si elle eût craint de commettre une offense. Le souvenir de son abandon à N’D’aye la hantait. Pourtant il s’agissait là de son fils et non d’un étranger, deux ans les séparaient , et cependant l’idée d’étreindre le garçon lui donnait l’impression qu’elle se retrouverait dans la même situation. Elle ne pouvait oublier qu’elle en avait désiré un autre à peine plus âgé. Elle avait beau se répéter que le contexte était différent, que jamais elle n’avait éprouvé la moindre ambigüité à l’égard de son fils, que N’D’aye l’avait tenté, qu’elle l’avait repoussé malgré son désir ce qui lui avait permis d’éviter l’irréparable. Rien ne la rassurait vraiment. Elle tremblait, lorsqu’il atteignit ses bras, elle se contenta de le serrer en lui déposant un baiser sur le front. Henri semblait déçu, il s’était fait une joie durant le voyage de penser à la manière dont elle l’accueillerait. Il éprouvait la sensation qu’elle l’avait oublié ou pire remplacé par un autre gamin de la même couleur. Après tout pour les blancs les petits gamins noirs n’étaient-ils pas tous semblables ! Ce n’était pas ce qui manquait autour d’elle, des gamins noirs, aussi attrayants les uns que les autres. Combien de fois lui avait-on rappelé que ces riches blancs d’Amérique considéraient les petits noirs comme de beaux joujoux pouvant distraire un moment et qu’ils rejetaient, une fois lassés. Chaque fois il se plaisait à répondre que si cela était vrai pour d’autres, sa «  blanche » maman à lui l’aimait pour toujours et ne l’abandonnerait jamais. Il s’était fait rire au nez, il s’en était moqué, il savait à quel point elle l’aimait, le chérissait . Il savait, lui , qu’une fois son mandat accompli elle l’emmènerait chez elle au Canada, au cœur des grandes forêts et des immenses lacs à perte de vue. Ce pays où il pourrait voir la grande moquette blanche déroulée tout au long de son parcours. Jamais elle ne l’aurait trompé, Anita était droite, honnête, tendre et surtout l’aimant plus que tout. Un sanglot le pétrissait, il retenait ses larmes sans oser prononcer un mot. Elle le retenait contre elle sans pouvoir l’embrasser, elle voulait lui rappeler combien elle l’aimait, combien il lui avait manqué, et tout ce qu’il représentait pour elle, mais son cœur se serrait, elle se dégoûtait , elle craignait tant le salir se trouvant laide et sale elle-même. Un diable l’habitait, elle se sentait maudite, possédée par le démon de la chair au point d’avoir failli consommer avec un garçon à peine plus âgé que le sien. Elle ne réalisait pas que la seule victime de son mal être était là sous ses yeux, son fils adoré, son ange, son trésor indispensable. Les deux êtres se tenaient là, attachés par le cœur mais déliés par le corps, malheureux, ignorants le pourquoi de ce qui leur faisait si mal. La journée se passa sans vague, sans aspérité mais sans effet. Anita évitait son fils, Henri évitait le regard de sa mère. Ils vivaient séparés ravalant leur souffrance comme un glaire qu’on ne peut pas cracher. Le garçon faisait semblant de jouer avec les nouveaux camarades qu’il venait de rencontrer, Anita l’observait se sentant presque coupable de l’admirer, le chérir lui semblait presque un péché. Les femmes de la tribu avaient préparé un festin pour accueillir dignement le fils de leur « bwassadocro » ce qui signifiait «  la femme docteur » , il ne fallait pas les décevoir, pour elles les retrouvailles entre un fils et sa mère représentaient le plus bel évènement du monde, comment auraient-elles pu comprendre que cette mère était indigne de ce fils. La pauvre femme n’en n’était pas au bout de ses peines, N’D’aye commençait à aborder Henri. De quoi pouvait-il lui parler ? Était-il entrain de lui confier l’horrible méfait ? A cette pensée, Anita ne pouvait permettre aux deux garçons de poursuivre leur conversation, elle se dirigea vers son fils pour l’arracher à ce qui pouvait détruire sa vie. Mais Henri ne voulait pas se détacher de ce nouveau compagnon qui l’intéressait. De son côté N’D’aye se plaisait avec le fils de la doctoresse pour qui il éprouvait toujours des sentiments. C’est alors que le garçonnet si gentil , si obéissant à l’habitude, asséna une gifle à sa mère en lui criant :

    -- Fous moi la paix, tu n’es pas ma vraie mère, et tu ne le seras jamais !

    Anita se sentit horrifiée, tous ceux qui étaient là s’étonnaient qu’elle ne lui rendit pas la pareille, mais elle n’en faisait rien elle demeurait pétrifiée, clouée par la douleur de cette gifle qui cinglait plus à son cœur qu’à sa joue. Il sait tout, pensait-elle ! Comme il doit me haïr ! Je l’ai perdu, jamais plus je ne retrouverai son amour! Je suis maudite, Mon Dieu qu’ai-je fait !

    Constatant alors la mine dépitée et les yeux rougis de sa mère, Henri se blottit contre le torse de sa mère en implorant son pardon :

    -- Tu es triste maman, je croyais que tu ne m’aimais plus !

    -- Pourquoi pensais-tu cela chéri ?

    -- Tu ne m’as pas embrassé, tu m’as délaissé !

    -- Pardon Henri , je t’aime tu dois le savoir, rien ne pourra changer cela, tu m’as tellement manqué !

    -- Alors c’est vrai, tu n’es pas lassée de moi ?

    -- Bien sur que non voyons ! Tu représentes tout pour moi, sans toi je ne peux plus rien faire, je suis déboussolée, je fais n’importe quoi !…. Au fait N’D’aye t’a dit quelque chose ?

    -- Oui il m’a dit qu’il t’aimait beaucoup et tu l’avais bien soigné.

    -- C’est tout ?

    -- Non il m’a aussi dit que tu étais un bon docteur et qu’il aimait bien se promener avec toi, il me montrera les endroits qu’il aime !

    -- Ah bon ! Et …. Rien d’autre ?

    -- Euh ! Non ! Pourquoi ?

    -- Pour rien ! Tu t’entends bien avec lui ?

    -- Oui, j’aime bien, ça change ici , ça manque un peu de consoles de jeux et d’ordi mais, c’est cool !

    -- Tu es devenu un gosse trop gâté mon fils, ici tu vas apprendre les valeurs essentielles ! Tu vas voir c’est bien de temps en temps de se passer du confort moderne !

    -- Je sais ! Ce qui compte c’est qu’on soit ensemble, pas vrai maman !

    -- Oui mon chéri, on s’est trop manqué, il faut qu’on en profite, oh je t’adore toi !

    Sans la moindre retenue elle le porta à son cœur en l’embrassant sans compter. Les images qui l’horrifiaient avaient disparu comme par un enchantement merveilleux celui qui dépassait de loin l’image d’un écart douloureux qui semblait alors perdre de l’importance comparé au bonheur de retrouver l’être le plus cher à son cœur.

    La nuit allait bientôt tomber au dessus du village quand la Jeep arriva à toute allure. Gustave et Eugène en descendirent pour évacuer le blessé qu’ils avaient à bord. Les deux hommes et leur fardeau se dirigèrent vers la case d’Anita. L’habitation lui tenait aussi lieu de dispensaire. Bien que ne disposant pas de ses instruments habituels, elle offrait ses soins avec les moyens dont elle disposait, aussi rudimentaires qu’ils fussent, son savoir faire lui avait permis de sauver des vies. Quand ils déposèrent le blessé sur la paillasse, Anita reconnu ce visage rude aux traits marqués par les épreuves, il s’agissait de Nasir Touera, il semblait atteint de plusieurs balles. Le diagnostic ne paraissait guère encourageant, ses chances étaient minces. Elle aracha les boutons de la chemise, et tenta de dénombrer les impacts afin d’évaluer la gravité de son état. Etonnement la plaie principale placée au thorax ne lui posait que peu d’inquiétude, en revanche celle qui se situait entre le sternum et le cartilage costal présentait un danger conséquent. Le cœur n’était pas loin, pour un chirurgien de talent doté d’un équipement de pointe cela n’aurait représenté qu’une opération quasi routinière, pour elle qui ne possédait que les rudiments de base sans équipement et sans accompagnement, l’affaire s’avérait presque impossible. Henri qui savait lire chaque grimace et chaque attitude de sa mère, comprenait la gravité de la situation, il n’ignorait pas non plus les conséquences que pourrait engendrer le décès de cet homme considéré ici comme un héros. Les gens de ce village lui devaient beaucoup, s’ils avaient été épargné par le modernisme et les ravages de la civilisation coloniale c’était bien grâce à son intervention, ses combats et ses coups de gueule. Ils lui vouaient un culte tel que certains le prenait pour le fils d’un dieu, et donc un immortel. Il est vrai que la doctoresse jouissait d’une aura due à ses bienfaits et la population la considérait comme une des leurs. Si ce statu lui apportait un certain crédit et une solide protection, en contrepartie l’erreur ne lui serait pas admise. A force de fréquenter Touera, Anita avait appris à le respecter, même si elle ne partageait pas ses idées étriquées, elle admettait que des hommes de cette valeur apportaient beaucoup à ce continent. Après avoir panser les écorchures et recousu la plaie du thorax, elle dut s’attaquer au sternum. La porte n’étant pas fermée, une partie de la population l’observait avec attention. Eugène et Gustave scrutaient le moindre de ses gestes pour veiller à ce qu’elle ne commît pas d’erreur, fut elle involontaire. Henri l’aidait comme il pouvait, il lui passait les instruments, il est vrai que ceux-ci ne se composaient que d’un couteau, d’une pince de fortune, d’une aiguille et du fil ainsi qu’un alcool imbuvable qui avait au moins le mérité d’anesthésier et de désinfecter. Se sachant espionner de toutes parts, la jeune femme devait dominer ses membres pour ne pas faillir. A l’aide de son couteau elle élargit l’entaille provoquée par la balle. Le sang se mit à gicler, Henri épongeait avec le chiffon qu’une des femmes lui avait remis. Elle devait maintenant saisir la balle pour l’extraire, les pinces servirent à l’accrocher et la maintenir, en prenant soin de ne rien atteindre d’autre, elle la ressortit soigneusement et la déposa dans une écuelle prévue à cet effet. Ensuite elle désinfecta en tamponnant légèrement la plaie avec un linge, puis elle commença à recoudre l’entaille avec le fil et l’aiguille que lui passait Henri. Une fois terminée, il ne lui restait plus qu’à panser la blessure avec le linge qui lui restait en prenant soin de ne pas trop serrer le bandage. Une fois qu’elle eut terminé elle s’adressa à l’ensemble en déclarant :

    -- Cela s’est bien passé, du moins sans surprise, il ne reste plus qu’à attendre!

    -- Vous croyez, qu’il va s’en sortir ( questionna Gustave)

    -- Compte tenu de sa constitution, il a de bonnes chances, mais ça va être dur et long !

    -- Vous avez fait du bon boulot vous savez !

    -- Merci , j’ai fait ce que j’ai pu, je ne suis pas chirurgienne !

    -- Justement, c’est du bon boulot !

    -- Je préfère que vous gardiez vos commentaires pour plus tard, vous changerez peut-être d’avis !

    -- Dans les circonstances, vous ne pouviez pas faire de miracle, s’il lui arrivait malheur personne ne vous ferait de reproches.

    -- Je vous trouve bien conciliant tout à coup, qu’Est-ce qui justifie une telle indulgence ?

    -- Je me suis renseigné, vous avez beaucoup fait pour ces gens, je vous avais mal jugé !

    -- Je vous en dois autant, maintenant on est quitte !

     

    Il retourna auprès de Eugène et tous les deux repartirent à bord de la Jeep.

    Nasir dormait depuis trois jours assommé par les quelques médicaments qu’Anita s’était procuré auprès de l’émissaire du gouvernement qui était venu lui rendre visite. On lui avait proposé de rejoindre l’ONG afin d’effectuer une nouvelle mission dans la capitale, elle avait décliné l’invitation en invoquant la nécessité de sa présence au chevet de son patient, l’homme n’avait pas protesté, pensant que le choix était justifié. En fait si son besoin de veiller Touera était une réalité, il ne constituait pas à lui seul son envie de rester au village. On l’avait adopté là , elle s’y sentait bien, même si elle savait qu’elle devrait tôt ou tard quitter cette population chaleureuse, elle ne voulait pas s’y résoudre avant d’acquérir la sensation d’avoir accompli sa tâche. Et puis, il faisait si bon au cœur de cette communauté humaine et solidaire. Depuis qu’elle exerçait son métier elle avait rencontré des tas de gens , la plupart d’entre eux lui avait fait bonne impression mais aucune équipe, aucun groupe ne lui avait apporté cette confiance et ce soutien là. Son arrivée datait d’à peine un mois et déjà elle se sentait chez elle, personne ne lui faisait sentir son appartenance à un autre monde, une autre ethnie même, elle était devenue leur amie, leur sœur, leur fille. Douama était de ceux là, elle représentait aux yeux d’Anita sa plus fidèle amie, sa confidente. Ensemble elles partageaient beaucoup de choses, c’était une jeune femme intelligente qui apprenait facilement et il ne lui avait fallu que peu de temps pour arriver à communiquer avec la doctoresse. De plus elle était la mère de N’D’aye, cela permettait aux garçons de se rapprocher et l’aventure du baiser semblait déjà loin. Chacune apportait à l’autre un peu de son savoir, Anita se débrouillait plutôt bien pour piller le maïs et le mile et Douama s’y entendait en matière de bandage et de pansements, aussi Anita lui avait-elle tout naturellement confié les soins de Touera. Douama avait quatre enfants N’D’aye étant l’aîné, suivi de la douce Mariam âgée de dix ans, Yousouf huit ans et la petite Zarah cinq ans. Elle élevait seule sa progéniture avec douceur et fermeté, sans avoir recours au moindre cri. Son mari Taka avait été descendu lors d’un assaut qui avait mal tourné à Moundioussa. Depuis la jeune femme affrontait avec philosophie son quotidien, pensant que les dieux l’avaient souhaité ainsi, à moins que le Dieu de l’homme blanc n’eût réservé quelques desseins pour son fils. Elle restait persuadée que N’D’aye avait une mission à accomplir et qu’il lui incombait de le guider dans sa tâche. Anita respectait cela, d’autant qu’elle ignorait elle-même la volonté divine à laquelle elle n’ y avait jamais rien entendu. Loin de se sentir athée, cette femme médecin croyait davantage à la science qu’aux implications spirituelles qui ne l’interpellaient que lorsque les interprétations scientifiques ne trouvaient plus de justification, ce qui ne signifiait en rien qu’elle fut tentée de plonger dans la spiritualité religieuse, elle s’interrogeait sans plus. Au cours de ses nombreuses rencontres on l’avait confronté à la plupart des religions , elle n’y avait jamais trouvé de réponse aux questions sans fin de l’existentialisme au raisons des épreuves vécues par l’humanité, seule l’obsédait l’idée d’améliorer le sort de ceux qui étaient atteints dans leur chair, dans leur corps et si possible atteindre aussi leur cœur. Idéaliste, certes, mais consciente de ses limites elle n’avait jamais cherché à changer le monde, aussi détestait-elle la chose politique qui représentait pour elle une façon sournoise de prendre le pouvoir sur les peuples afin de les dominer, les manipuler et les soumettre. Elle assimilait un peu la religion à cette méthode de domination, tout en respectant ceux qui en étaient épris. La foi , bien que d’apparence païenne, de Douama interpellait Anita de manière troublante, sans être séduite, elle se sentait proche de ses fondements. L’idée de penser que tout est écrit, que chacun est investi d’une mission et qu’il faut parfois accepter les évènements tels qu’il se produisent lui apportait un début de réponses à ce qui la tourmentait depuis la mort de Edwin. La présence de Douama à ses côtés ajoutée à celle de Henri apportaient à Anita les forces nécessaires pour vivre en ce milieu matériellement hostile et dépourvu pour une femme élevée au rythme de la civilisation avec tout ce qu’elle contient de futiles mais indispensables pour l’américo-canadienne qu’elle était. Elle avait beau se mentir à elle-même en prétextant que les choses matérielles et les poisons de la civilisation ne lui manquaient pas, elle savait que lorsqu’elle se retrouverait au lit elle songerait à ses amies de la fac qu’elle retrouvait à New York au « Blue Bar »tous les samedis soir avant son mariage et le départ qui l’avait suivi pour Johannesburg. Elle revivait ses moments de folie où chacune racontait ses déboires professionnelles et ses rencontres amoureuses sans indulgence pour la gent masculine. Elle se souvenait de l’hôpital et de ses patients au regard accroché à l’espérance qu’elle savait leur délivrer en quelques mots. Et puis, elle était femme dans toute sa fraîcheur, sa beauté, sa séduction, sa sensualité aussi. Ce n’était pas que les hommes qui l’entouraient fussent dépourvus de charme mais leur rudesse et leur manque de considération à l’égard des femmes la répugnaient. Elle réalisait que depuis la mort de son mari il n’y avait qu’un gamin de douze ans qui l’avait touché, elle trouvait cela pathétique et navrant. Elle se sentait ridicule, encore plus en constatant que son manque affectif en dépit de l’affection profonde que lui témoignait Henri se traduisait par une envie de sexe. Elle aurait pu, comme bien d’autres en ces moments de manque, se satisfaire elle-même, mais les quelques tentatives qu’elle avait osées ne lui avaient apporté que déception. En même temps elle se voyait mal aborder un homme dans le seul but de finir dans un lit, cela aurait semblé avilissant et sordide. Anita appartenait à cette catégorie de femmes qui ne se donnent que par passion, par amour, ces femmes romantiques pour qui la chair et le cœur sont indissociables, pour qui le plaisir représente l’aboutissement de la flamme qui embrase les êtres épris l’un de l’autre. Combien de fois elle s’était querellée avec ses amies du «  Blue Bar » à ce sujet, elles qui souvent se livraient aux bras du premier mâle qui savait les étourdir de quelques phrases bien soignées et de quelques cadeaux somptueux, avec des regards enjôleurs et promettant de folles nuits. Anita restait implacable là-dessus, seul l’amour pouvait la faire craquer et la faire succomber au lit de la passion. Pourtant, en ces moments de douloureuse abstinence elle se rappelait les mots d’une amie :

    «  Et si tu te retrouvais toute trouvais seule dans le désert depuis plusieurs jours et qu’un beau mec venait te proposer une bonne partie de baise, tu l’enverrais balader ? … »

    Elle avait répondu avec une assurance déconcertante «  oui si je ne suis pas amoureuse, il ne se passerait rien ! » Maintenant qu’elle se trouvait confrontée à l’impossible supposition , elle comprenait combien sa détermination avait été téméraire et irréfléchie. Depuis quelques jours elle avait revu Saïd, il venait régulièrement rendre visite à Touera, il n’était pas rare qu’il passât près de la case de la jeune femme cherchant peut-être à croiser un regard conciliant. Il est vrai que s’il avait été l’un de ses « compagnons de voyage, il s’était montré plus accommodant que les deux autres et son charme à la Denzel Washington n’avait pas échappé à Anita. Il semblait alors que lui-même appréciait le courage et le tempérament de cette femme qui savait faire preuve de sang froid et d’audace quand il le fallait. Certes les traits harmonieux sur la rondeur de ce visage sous ce regard de large d’océan ajoutés aux courbes envoûtantes de ce corps voluptueux aux magnifiques proportions bien que de petite taille, n’avait pas échappé au regard admiratif du combattant. A force de se rencontrer, bien que leurs échanges se limitaient à un « bonjour » les deux êtres se découvraient des qualités qui les rapprochaient, à ce stade, ils se plaisaient sans oser se l’avouer à eux-mêmes. Anita ne concevait pas l’idée d’approcher le jeune homme afin de lui sous entendre son attirance envers lui. De son côté Saïd ne pouvait se permettre de faire la cour à celle qui avait été sa captive durant le voyage qui les avaient amené au village, il restait persuadé qu’elle le détestait. Anita se sentait troublé par ce qui la hantait malgré elle, cette fièvre nouvelle qui ne la lâchait presque plus. Elle ne se reconnaissait plus, elle se croyait chaste er vertueuse, n’ayant consommé qu’avec les deux hommes qui avaient ravi son cœur dont le dernier avait été tué depuis déjà un an. Elle ignorait si cette fièvre était due à la chaleur ou à son isolement. L’âge pouvait aussi provoquer cette nécessité. En tant que médecin elle avait appris les difficultés à l’approche de la trentaine pour les femmes dépourvues d’activités sexuelles, ce qu’on a coutume d’appeler «  l’horloge biologique » qui hâte souvent le désir d’enfantement, mais elle ne l’avait jamais vécu jusque là. Evidemment Saïd attisait cet appétit sans le savoir, pourtant s’il devait se dérouler quelque chose entre eux, Anita ne souhaitait pas brûler les étapes et le sexe ne pourrait être que la conséquence d’une relation amoureuse et non le but. Eprise d’une audace soudaine, elle en parla tant bien que mal avec Douama qui commença par esquisser un rire tendre avant de lui montrer les subsides équivalents à nos bon vieux « sextoys » . Malheureusement la doctoresse était loin d’apprécier ce genre de « joujoux ». Douama lui évoqua le pouvoir de certaines herbes ayant la vertu de calmer les instincts et les appétits ardents mais curieusement Anita ne désirait plus vraiment éteindre ses feux, sans doute la perspective de créer une relation avec Saïd la motivait-elle plus qu’elle ne le pensait. Loin de savoir dans quel état d’esprit l’homme se situait vis-à-vis d’elle, elle décida d’entreprendre les démarches quoiqu’il lui en coutât.

    Touera avait recouvré ses esprits depuis quelques heures, la pénombre s’emparait de la case, Henri terminait son repas alors qu’Anita changeait les pansements de son patient. Le premier mot de Nasir Touera avait été pour remercier son médecin pour son dévouement, sa patience ainsi que pour son abnégation. Cela représentait un effort et surtout une reconnaissance de la part du rustique rebelle plutôt avare de compliments et de remerciements à l’habitude.



    Commentaire de xinqing001 (13/12/2010 09:55) :

    But the replica watches company also came out on top - and in space - as NASA used tuning-fork-powered Accutrons for all of its spacecraft time-keeping devices. This is because scientists were unsure how other electronic movements would fare under low gravity.





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