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Les Textes de Vincent
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Les Textes de Vincent

VIP-Blog de vinny53poesie
  • 45 articles publiés
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  • Créé le : 25/03/2010 19:07
    Modifié : 26/06/2012 15:26

    Garçon (52 ans)
    Origine : la Mayenne
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    [ Les Furtives ]

    Entre Automne et Printemps (nouvelle)

    26/03/2010 16:15




                                                                                Entre Automne et Printemps.

                                        

                                             Il tombait des cordes sur ce parking de supermarché, décidément pour Antoine ce n’était pas son jour. Après s’être débattu avec son banquier pour négocier un découvert en raison de son salaire qui tardait, il s’était fait arrêté par les gendarmes qui l’avaient ennuyé pour un feu de plaque qui ne fonctionnait plus, puis après maintes hésitations, on lui avait tout de même épargné l’amende, à condition que le remplacement fût effectué dans les quarante huit heures. Puis en arrivant sur le parking à deux reprises on lui avait grillé une place, et voici que l’orage déversait son flot de perles tout au long du trajet qui le séparait de l’entrée du magasin, juste ce qu’il fallait pour être trempé.
    Quelle corvée les courses, ce n’était jamais agréable, mais cela s’avérait incontournable ! Enfin il pénétrait dans ce supermarché trop encombré comme à l’habitude. Il se dirigea vers le rayon légumes, puis enchaîna vers les conserves, le lait, l’eau, pour terminer par le café. Toutes les caisses étaient envahies, il suivit la queue de celle qui lui sembla la plus rapide. La caissière lui paraissait mignonne et souriante, tant mieux, pensait-il, le passage ne lui en serait que plus agréable. Son tour arriva ; alors qu’il déposait ses achats sur le tapis roulant, il reçut un bonjour qui l’enveloppa d’une telle douceur qu’il voulut connaître celle qui possédait ce trésor vocal. Un visage sensuel et doux aux pommettes remplies dessinait un sourire épanoui. Le regard châtaigne inondait Antoine d’une caresse tendre et généreuse, sa chevelure brune et soyeuse tenue par une barrette couronnait harmonieusement sa face. Sur la blouse rouge à l’effigie du magasin il put lire le prénom de Sandra. Elle ne devait guère dépasser vingt cinq ans. Contrairement à l’ordinaire le défilé des emplettes lui parut trop court, il aurait aimé que cela durât des heures, afin de la contempler longtemps, la détailler attentivement, savourer le son de sa voix et la connaître davantage. Il crut remarquer qu’elle l’appréciait, ponctuant les banalités d’usage de sourires et de réflexions amusantes, mais cela faisait peut-être parti de son rituel. Lorsqu’elle lui rendit la monnaie il réalisa qu’il devait la quitter ; cela lui apparut au dessus de ses forces, se résignant malgré tout, il sortit du magasin marqué du bien être de cette rencontre.

    Le trajet s’écourtait au souvenir des merveilleux instants furtifs. L’après midi s’écoula en un torrent de réflexions d’où émergeait sans cesse le visage angélique de Sandra. Dieu qu’elle était belle ! Lui, pourtant si sensible au charme féminin n’avait jamais ressenti une telle impression. Son être se sentait conquis par l’émerveillement. Il imaginait des promenades romantiques, des dîners en tête à tête dans une auberge bucolique. Il inventait de folles Saint Valentin et des vacances au soleil caressant la peau de cette sirène éclatante. Puis, soudain, sortant de ses songes il s’éveilla à la réalité de ses cinquante ans de lassitude. La vieillesse le frappa d’un seul coup. Cette cruelle sorcière qui lui creusait les traits et l’affligeait d’une vilaine rondeur en l’assommant de fatigue, de soucis, l’avait transformé en un gigot bardé de bourrelets aux cheveux plus salés que poivrés. Il détestait cette horrible image bien que n’ayant jamais été un Apollon, les années ne l’avaient pas épargné. Pauvre idiot, comment une telle créature pourrait elle songer ne fut ce qu’un instant à une quelconque histoire avec ce vieux bougre d’imbécile. Après deux divorces, des aventures stupides et sans lendemain, il n’avait pas grandi, il se voyait tel un adolescent attardé. Qu’avait-il appris de ses rêves déçus, de ses déboires, ses insomnies et ses erreurs ? Sans doute rien, le délire amoureux lui tendait à nouveau son piège séduisant. Le diable avait-il tant de cruauté pour revêtir ainsi l’apparence féerique d’un ange niché aux caisses des supermarchés ? En dépit du journal télévisuel, du film du soir et du magasine qui suivait, els mêmes pensées hantaient son esprit chimérique et il lui fallu des heures avant que de plonger dans un sommeil furtif.

    La matinée déploya son linceul de monotonie pour ce vieux loup solitaire qui n’exerçait plus d’emploi en raison de ses problèmes de santé. Mais dès qu’il eut émergé de sa léthargie en mouvements, il lui revint en mémoire l’évènement de la veille et le visage adorable de la jeune femme irradiait à nouveau ses pensées fantasques et féeriques. Aussitôt l’envie de la revoir le gagna. Il lui fallait voir si elle était aussi merveilleuse qu’en ses souvenirs, découvrir les détails qu’il n’avait su apercevoir, tester sa réaction afin de savoir si Sandra éprouvait un réel intérêt à son égard. Mais si l’envie se voulait de plus en plus brûlante, en revanche le courage s’amenuisait d’autant. Sa lâcheté lui enseignait qu’il risquait de se remplir de déceptions, de ridicule et de souffrir comme à l’accoutumée. Pourtant après avoir disséquer longuement les pour et les contre, il se prit d’audace et se dirigea directement vers le centre commercial où travaillait le fruit de ses fantasme. En entrant il jeta un bref coup d’œil pour tenter de l’apercevoir mais hélas il ne la vit point. Pensant qu’il avait mal regardé, il entreprit de choisir quelques denrées bon marché afin de passer rapidement en caisse, mais il ne la trouva pas. Après avoir observé attentivement tous les points, il se résolut à remettre ses objets à leur place initiale et décida de revenir l’après midi même, et pourquoi pas, les jours suivants jusqu’à ce qu’elle lui apparaisse. Ce fut vers quatorze heures qu’il la découvrit à nouveau alors qu’elle plaçait en rayon quelques produits ménagers. Antoine se sentait bouillir d’un malaise angoissant. Perchée sur un tabouret, affairée à déposer les objets au dessus de la gondole, elle semblait ignorer son admirateur. Par chance, elle avait revêtu une jupe en jean ce qui permettait à Antoine d’admirer le galbe de ses jambes légèrement hâlées, jusqu’aux cuisses luisantes au point qu’il rêvait d’y hasarder la paume de sa main tremblante. Il demeurait tel un enfant adulant le jouet de ses rêves, ne sachant plus bouger d’un pouce. Soudain elle descendit et l’apercevant elle lança un « bonjour » qui paraissait plus fade que celui de la veille. Ne l’avait-elle donc pas reconnu ? Il faut croire qu’elle devina sa déception à l’aspect défait du visage d’Antoine qui pâlissait. Elle se reprit et ajouta :

    n Vous cherchez quelque chose ?
    n Euh ! Non ! Enfin si ! Je cherche des … brosses à dents !
    n Ah ce n’est pas là, c’est à trois rayons plus loin !
    Puis tout à coup, comme épris d’une audace incontrôlable, il s’entendit lui demander :
    n Je peux vous inviter à prendre un café, ce soir après votre service ?
    Elle se tut, puis esquissant un sourire, elle répondit :
    n Oui ! Pourquoi pas, ça ne me déplairait pas ! Mais pas ce soir, demain si vous pouvez !
    n Demain ? Oui demain, c’est ça demain, oui demain ce serait bien ! Ah oui Demain !

    A partir de cet instant il ne se contrôlait plus, il ignorait tout ce qu’il faisait, il décollait et n’avait pas la moindre envie de reposer les pieds sur terre. Il renaissait même si cela ressemblait à ses rêves. Arrivé à la maison, il se remplissait le cœur de projets, de folies et de bien être. Sans doute idéalisait-il ce qui ne serait que quelques minutes passées à la table d’une brasserie mais il savait que ces minutes là lui seraient précieuses et géantes. Il se répétait mille fois cette phrase « elle a dit oui, elle a dit oui ! » comme si cela eut été le révélateur d’une infinie promesse. Ce simple «oui » s’avérait être la porte du bonheur, le monde s’ouvrait, la vie s’écartelait et la chance enfin étirait son rideau de lumière.

    La soirée arrivait, il songeait qu’elle devait quitter le magasin, sa journée se terminait. Il réalisait qu’il lui fallait patienter vingt quatre heures, oui dans vingt quatre heures alors qu’elle sortirait du magasin, il l’attendrait sur le parking, ensemble ils se rendraient au café du « Rond Point », là il se griserait de fierté d’être vu en compagnie d’une si charmante personne. Il imaginait les regards envieux de tous les hommes des lieux. Il se voyait assis face aux yeux pénétrants de Sandra. Intimidé, mais ivre de bonheur il s’entendrait lui parler avec des mots choisis et fleuris, il brillerait de son intelligence, il l’éblouirait de sa superbe, elle serait séduite il triompherait de son cœur nanti de la force qu’elle lui délivrerait. Il entendait la voix mélodieuse de la jeune femme lui révéler ses détours, ses envies d’enfance et ses désirs d’adolescence. Elle lui révèlerait ses secrets les plus délicieux. Ils se sentiraient en harmonie, ils s’épouseraient du regard, du cœur et de l’âme. Ils se quitteraient trop tôt mais forgés d’espérante promesse du prochain rendez-vous ainsi que tous ceux qui suivraient. Mais il fallait attendre ! Une soirée, une nuit entière et une journée complète avant d’arriver à ce moment magique où il allait revivre en conjuguant la chance et l’espérance. Après quelques heures d’un sommeil quasi inaccessible il engloutit la nuit et s’offrit à ce jour qu’il bénissait déjà. L’azur déployait son grand rideau au soleil chaleureux et docile. Le village en son entier revêtait des allures de fête, chaque passant semblait sourire à la vie en souriant à cet Antoine nouveau qui s’efforçait de naître. Malgré l’interminable journée qui s’étirait, l’homme se sentait bien, il respirait l’air pur, il écoutait la vie, il regardait le monde aux horizons flamboyants. Puis cette Heure arriva. Après avoir puisé au fond le l’armoire, fouiné dans sa maigre penderie, trié parmi les chemises les moins élimées, les pantalons les moins démodés et les veste les moins usées, il parvient à se vêtir de manière présentable, parfumé d’une eau de toilette à petit prix lais néanmoins correcte. Posté en sentinelle du coeur, il attendait là, à la sortie du personnel. Il patientait depuis vingt minutes, ainsi, à un retard indécent il avait préféré une avance confortable. Il ne restait plus que dix minutes avant la sortie, son cœur commençait à s’emballer tel qu’en ses premiers émois d’antan. Ses membres tremblaient, son estomac se tendait à se rompre, ses intestins se tordaient de bien être et de malaise. Il finit par se sentir si mal qu’il eut envie de fuir, mais la raison lui suggérait d’attendre l’instant féerique. Sa montre afficha dix neuf heures trente, il ne tarda pas à voir les premiers employés quitter le magasin. Il observait, il dévisageait chaque femme, se disant que démunie de son uniforme de caissière, Sandra serait-elle facilement reconnaissable ! Et le bâtiment déversa son flot de visages anonymes empressés. Les unes se hâtaient vers l’emplacement de leurs voitures, les autres se précipitaient dans les bras de leurs conjoints, mais nulle n’avait l’apparence de la promesse tant attendue. Peu à peu la marée s’estompa, il ne restait que quelques employées attardées. Avait-elle oublié ou bien changé d’avis ? Soudain il pensa qu’elle s’était moquée de lui, sans doute n’avait elle jamais eu envie de traîner avec ce vieil empâté sans allure et sans fortune. Quelle cruauté de la part de cet ange, mais quelle naïveté de la part d’un homme d’âge aguerri ! Il ressentait toute son infortune lorsqu’une voix lui caressa l’oreille :

    n Excusez-moi, je suis en retard, dit elle…mais j’ai eu un défaut de caisse et j’ai du tout recompter !
    n Ah ! Ce n’est rien, je ne me suis pas ennuyé !
    n J’espère que vous n’étiez pas inquiet ?
    n Pas du tout ! Je me doutais bien qu’il devait y avoir une bonne raison à votre retard.
    n Ha ! Ha ! Ha ! Vous mentez mal ! Vous pensiez que je vous avais posé un lapin ! Mais moi quand je dis oui, je dis oui ! Tu verras quand tu me connaîtras mieux ! Ah oui au fait on se tutoie ?
    n Euh ! … Oui si…si tu veux ! Bon tu as un endroit préféré ?
    n Ben non ! On va là au « Rond Point » !
    n Si tu veux !
    Puis ils se dirigèrent vers le lieu désigné, presque côte à côte et unis par le même sourire. Quand ils franchirent le seuil de l’établissement Antoine observa les clients mais tous restaient affairés à leurs conversations et aucun d’entre eux ne remarqua leur entrée, pas même le visage éblouissant de la jeune femme. Peu importait, il s’asseyait face à cet ange qui lui souriait, marquant ainsi son bonheur d’être ne sa compagnie et cela le comblait. Il ne brillait ni par son originalité, ni par son humour et encore moins par sa thématique, mais tant pis ! Ensemble ils communiaient dans un bonheur identique autour d’une simple tasse de café qui leur devenait nectar en ses effluves de folie superbe. Antoine s’étalait en palabres, ponctuant chacun de ses mots d’un geste précis. Sandra le dévorait en allumant son regard. Parfois c’était elle qui gesticulait en phrases gestuelles, elle se démenait pour exprimer ses idées. La plupart du temps ils s’accordaient sur les sujets, mais certaines fois ils divergeaient alors il s’en suivait des propos détonants, chacun voulant faire entendre raison à l’autre. Puis rassasiés et repus ils se rendaient à l’évidence que tout cela ne revêtait que peu d’importance et ils échangeaient un sourire complice s’embrassant d’une œillade tendre avant de s’égarer à nouveau dans un flot de paroles inutiles mais rassurantes afin de briser le silence.

    Une heure s’écoula, puis deux et ils atteignirent le cap de la troisième avant de se rendre compte qu’ils n’avaient pas dîné et qu’ils devaient se quitter. Certes, il pensait l’inviter au restaurant, mais craignant de paraître trop audacieux, il s’y refusa. Lorsqu’ils arrivèrent sur le parking, elle l’embrassa par deux fois sur les joues et il lui fit un signe de la main. Il ne décoinçait pas du lieu où il s’était fixé, juste à côté de sa voiture, les yeux rivés sur celle qui venait de le quitter. Elle se retourna à deux reprises, esquissant un millième sourire, puis regagna son propre véhicule. Antoine attendit le départ de sa rêverie avant de réaliser ce qui venait de se produire. Arrivé à l’appartement, il alluma machinalement son poste de télé sans la regarder, habité par le visage de Sandra, ses mains, son regard, ses gestes épars, sa voix douce et sensuelle , bref tout ce qui avait composé l’ivresse de cette soirée. Il était plus de minuit quand, du fond de son lit, il y pensait encore avant que le sommeil ne l’assommât. L’image de Sandra le tenait à nouveau lorsqu’il descendait son bol de café, songeant avec effroi qu’il n’avait même pas une adresse, pas le moindre numéro de téléphone ni l’email de celle qui ne lâchait plus ses pensées. Il se rassura vite en pensant qu’il pourrait la retrouver au magasin. Dieu qu’elle était belle quand ses yeux caressant enveloppaient le visage du vieil ogre abîmé. Il lui semblait qu’elle l’avait embelli d’un seul regard, elle l’avait rajeuni d’un sourire et l’avait délivré de ses turpitudes en une seule phrase, il ‘était devenu Vivant !

    Après avoir absorbé un déjeuner frugal, il se hâta d’aller au supermarché, il choisit deux ou trois bricoles et passa en caisse. Dès qu’elle l’aperçut, elle se mit à sourire, se piquant joyeusement à ce jeu, traînant sur chaque objet en dépit du mécontentement des clients qui attendaient leur tour. Elle glissa un « merci pour hier soir, c’était génial ! » tout en continuant son activité. Dix minutes après elle le revit avec trois autres denrées, ce qui la fit rire aux éclats. Les clients hargneux commencèrent à la menacer d’en référer à la direction, d’autres se réjouissaient de ce qu’ils devinaient être un jeu. Quelques minutes plus tard il reposait trois autres articles sur le tapis roulant, elle lui lança un « t’es fou ! » en souriant à nouveau, avec son ticket de caisse elle lui offrit un petit mot sur lequel était écrit : « ce soir à 19h » sans plus d’explication. Il traîna autour du centre commercial en attendant puis à dix neuf heures précises elle sortit en courant par la porte arrière du magasin. Elle se précipita vers lui, à l’allure où elle courait il avait l’impression qu’elle allait lui sauter au cou, mais elle se contenta de lui caresser l’épaule en lui jetant un regard d’ivresse, puis elle murmura :

    n Oh toi ! T’es un grand malade ! T’es fou ! , t’es…Génial !
    n J’espère que tu ne vas pas avoir d’ennui, à cause de moi !
    n Bah non, t’inquiète ! Ce n’est pas à cause de quelques cons qu’il faut se prendre la tête !
    n Ah j’espère parce que sinon…
    n Mais non je te dis ! Bon ben on va se bouffer quelque chose ?
    n Oui…si tu veux !
    n Allez, viens, je t’invite !
    n Ah non ! C’est moi !
    n Mais tu ne vas pas jouer les machos, non !
    n Holà ! Je n’insiste pas !
    Elle lui parlait en allumant ses yeux d’une séduisante malice qui lui caressait le cœur. Ils pénétrèrent dans une pizzeria clairsemée, seules deux ou trois tables étaient occupées. Malgré l’apparente complicité qui les unissait, ils ne savaient plus échanger le moindre mot. Sans doute le langage du cœur leur suffisait il à exprimer leur joie d’être ensemble. Contrairement à son habitude Sandra s’était parée d’une jupe assez courte pour laisser voir ses cuisses joliment galbes et musclées, ce qui n’avait pas échappé au regard admiratif d’Antoine. Son chemisier dégrafé de quelques boutons permettait de puiser délicatement sur sa gorge où l’on devinait une poitrine généreusement fournie. Il plaisait à penser au vieil adolescent qu’elle avait anticipé son désir, s’habillant de manière aussi séduisante pour lui plaire. Il se sentait fier d’être vu en si belle compagnie, Sandra apparaissait telle une princesse des temps modernes, alliant la grâce et l’élégance, la beauté et la sensualité, l’humour et l’intelligence, la simplicité et la discrétion. Après les banalités ponctuées de longs silences, ils finirent par plonger dans une conversation d’idées. Antoine abordait les sujets délicats de société qui conduisent fatalement à l’idéologie politique. L’homme de gauche convaincu qu’il était désapprouvait toutes les théories du capitalisme, les dérives égoïstes qui appauvrissent les peuples en condamnant les pauvres à s’appauvrir. En étalant ses pensées, il lui prit soudain l’idée douloureuse qu’elle pouvait ne pas partager ses points de vue, cela le tourmentait en dépit de son ouverture d’esprit. Elle sut parfaitement déjouer ce qui lui paraissait être un piège tendu pour connaître ses opinions. Elle s’en tint aux explications visant à blâmer certaines administrations et le système administratif français. On aurait pu friser l’incident polémique mais Sandra ne voulait pas déplaire et pensant que l’heure ne se prêtait pas aux affrontements, en bonne diplomate et loin de renier ses idées de libéralisme, laissa planer le flou confortable qui lui permettait d’éviter le conflit. Le dîner s’allongea jusqu’à l’heure de la fermeture où on leur signifia que l’heure était venue de quitter les lieux. Une fois dehors ils n’avaient pas le cœur à se séparer, sans prononcer un seul mot ils se comprirent d’un sourire. Ensemble ils regagnèrent leurs voitures respectives et il osa un simple «tu me suis ! », elle acquiesça et le suivit jusqu’à chez lui. Arrivés à l’appartement, Antoine ne savait plus où se tourner, elle aussi semblait intimidée. Il avait tellement rêvé de la voir chez lui, il l’avait vu derrière ces portes arborant son minois malicieux en semant son parfum subtil à travers chaque pièce. Il l’avait imaginée lovée dans son canapé, un verre à la main entrain de parler, de raconter ses anecdotes les plus folles. A présent qu’elle était là, il se sentait paralysé, d’émotion, sans doute, de peur, certainement. Elle ne l’aidait pas, affichant une sorte d’angoisse, admirant les photos pour se donner une contenance, s’arrêtant sur celle de la maison d’enfance d’Antoine en demandant où elle était située, davantage par politesse
    que par intérêt. Il lui offrit ce qu’il avait, une simple liqueur de cassis, elle accepta sans conviction, pensant probablement que boire les occuperait. Les minutes leur semblèrent interminables. Une folle envie les avait incité à venir là, ils se demandaient à présent pourquoi. Il tenta une approche maladroite en s’asseyant près d’elle, il voulait l’embrasser, elle ne s’y prêtait pas, n’avait-elle pas compris ? Ne le désirait-elle pas ? Il posa la main sur la cuisse de Sandra, elle se laissa faire, il caressait cette rondeur satinée délicatement, elle tendit ses lèvres et leurs bouches se joignirent. Il essaya d’y hasarder sa langue mais elle se délivra. Il l’enlaça tendrement, elle s’offrit généreusement cette fois en l’embrassant à pleine bouche, elle se soumettait à ses caresses, allant jusqu’à lui offrir un sein pour étancher sa soif de chair. Elle se laissa aller en s’allongeant sur le divan. Il brûlait de désir, la caressant de toutes parts, la baisant goulûment dans le cou, sur les seins, se dirigeant lentement entre ses cuisses en écartant le rideau de dentelle qui masquait la jolie fleur dénudée. Elle se renversait en savourant chaque douceur qu’il lui délivrait. En goûtant ainsi aux sources du plaisir il lui faisait gravir les sommets du désir. Elle l’attendait, le souhaitait, le désirait en elle. En lui massant la chevelure elle gémissait à petits cris saccadés. De l’autre main elle tentait de saisir ce qu’il supposait être enflé par le bien être mais en atteignant le pantalon d’Antoine elle fut stupéfaite de constater la taille réduite de ce à quoi elle aspirait. Désemparé il cessa d’emblée son activité. Elle le fixa d’un regard interrogateur, quasi accusateur. Elle se sentit trahie, humiliée, elle, si belle, si désirable, si voluptueuse, au corps appétissant, comment pouvait elle ne pas faire monter le désir en celui qui paraissait la vouloir plus que tout ? Il rougissait tel un enfant pris en flagrant délit de bêtise. Il finit par lui expliquer qu’il n’avait pas eu de relations depuis si longtemps, qu’elle représentait pour lui la jeunesse, la pureté, elle lui inspirait la vertu et qu’il craignait de la souiller, la salir. Elle avait du mal à croire à ce flot d’explications aussi absurdes que ridicules. Elle se leva, furieuse, se dirigeant vers la porte. Il la retint. En l’observant elle remarqua les larmes qui suintaient en ses yeux abattus, le rendant si vulnérable qu’elle l’étreignit fortement. Elle lui caressait les joues comme pour le consoler, le rassurer. Elle lui déposait de petits bisous un peu partout autour du visage. Elle réalisa à cet instant qu’elle ne pourrait plus jamais se passer de lui. Ils finirent la nuit dans la chambre, il la combla à trois reprises, puis s’endormirent l’un contre l’autre dans les effluves de l’amour.

    A partir de ce jour ils ne se quittèrent plus. Elle s’installa chez Antoine, ne laissant l’appartement que le temps de se rendre à son travail au magasin. Quand elle rentrait elle se voyait accueillie d’un énorme câlin qui se prolongeait en communion charnelle. Chaque week-end revêtait des allures de stratégie de charme. Ils élaboraient un scénario dans lequel elle devenait sa victime consentante dans des tenues plus sexy les unes que les autres. Tour à tour, Sandra se faisait infirmière, soubrette, écolière, fermière tout y passait sans grande originalité mais elle assumait pleinement les fantasmes de son homme. Au bout de quelques mois, il leur semblait avoir épuisé tout le répertoire. Ils durent rapidement se rendre à l’évidence qu’en dehors du sexe, ils n’avaient rien en commun. Il aimait la musique classique et la chanson française, elle n’écoutait que du Rapp et de la House Music. Il lisait les grands classiques et les journaux littéraires, elle n’appréciait que la collection Arlequin et les magasines people. Leurs conversations se limitaient aux projets du week-end et aux positions du kamasoutra qu’ils n’avaient pas encore expérimentées. Deux à trois fois par semaine elle l’entraînait dans une discothèque à la mode ; là, abruti par l’agressivité de l’éclairage et de la musique il s’asseyait pour somnoler, lorsqu’il émergeait il apercevait Sandra en pleine danse langoureuse dans les bras d’un homme de son âge qui la dévorait des yeux. Antoine bouillait de rage au devant de ce tableau désespérant. Elle y prenait un malin plaisir, pensant peut-être qu’il allait l’arracher à son admirateur pour l’emporter à l’image de ses héros de romans faciles, qu’il lui ferait l’amour pendant des heures avant de la couvrir de bijoux. Mais elle réalisait très vite qu’il n’était pas le véritable héros de ses plus beaux rêves. Alors faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle déposait un bisou furtif sur la joue de son partenaire de danse et revenait vers son homme l’invitant à partir en lui tenant amicalement la main. La passion s’éteignait remplacée par la tendresse. Un matin, alors qu’elle ne parvenait pas à avaler son petit déjeuner, elle se résolut à lui parler :
    -- Antoine, on ne peut plus continuer comme ça !
    -- Tu veux me quitter ?
    -- Je m’ennuie avec toi et je sens que toi tu souffres !
    -- Je suis un vieux con c’est ça ?
    -- Sûrement pas. Tu es tout sauf un vieux con ! Tu es un homme adorable, cultivé, généreux, doux et tendre et tu mérites mieux que moi !
    -- Mieux que toi ? Mais je n’aime que toi, tu m’as redonné la vie, tu es BELLE, sexy, séduisante….
    -- Tu entends ce que tu dis ? Je ne suis que belle et sexy pour toi, voilà le problème. Tu te sentais condamné à vivre sans amour et puis tu m’as trouvé. Tu me trouves jeune et belle et sexy et tu te vois flatté d’être en ma compagnie. Tu fais des envieux et c’est cela qui te comble le plus, ce n’est pas moi !
    -- Comment peux-tu dire ça ! Tu t’imagines n’être pour moi qu’un…qu’un…
    -- Un fantasme oui ! Et je ne t’en veux pas, j’en suis même flattée et si cela t’a permis de connaître un peu de bonheur, tant mieux, mais cessons de nous jouer la comédie. Il existe sûrement beaucoup de choses entre nous, de belles choses même, mais pas de l’amour.
    -- Tu crois ?
    -- Tu le sais bien !
    -- Alors tu t’en vas ?
    -- Disons plutôt qu’on se sépare doucement sans bruit, sans vague et surtout sans haine !
    -- Mais… qu’est ce que je vais faire ?
    -- Tu vas vivre, tu vas peut être aimer encore, tu vas même être heureux, mais sans moi !
    -- Tu pars quand ?
    -- Là, j’emmène mes affaires et je ne reviendrai pas !
    -- Déjà !
    Elle ne répondit pas, réunit ses affaires, l’observa longuement avant de partir, lui caressa la joue puis s’évanouit en voiture devant les yeux hagards de cet homme qui ne comprenait plus rien. Il ne revint jamais au magasin. Sandra rencontra l’amour, se maria et donna naissance à trois beaux enfants. Antoine vieillit seul, il devint romancier et connut un certain succès avant de sombrer dans un «Alzheimer » qui le dégradait peu à peu. Et puis il s’éteignit.



    FIN (Entre Automne et Printemps)


    Vincent GENDRON (Avril 2008)














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