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Les Textes de Vincent
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Les Textes de Vincent

VIP-Blog de vinny53poesie
  • 45 articles publiés
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  • Créé le : 25/03/2010 19:07
    Modifié : 26/06/2012 15:26

    Garçon (52 ans)
    Origine : la Mayenne
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    [ Les Furtives ]

    Les Furtives : Deux Heures d'attente

    26/03/2010 13:43



                                                                                 Deux heures d’attente


                                                              Comme il faisait triste, ce soir là au sein de la cohue de l’aéroport. Le terminal déversait ses marées de voyageurs tous plus pressés les uns que les autres. Une voix appelait les passagers à se diriger vers la zone d’embarquement. Peu après la même voix indiquait que le vol à destination de Francfort était retardé de deux heures. Tous ces cris, toute cette cohue, ces anonymes indifférents ne pouvaient qu’accentuer le dégoût qui sévissait au cœur de Erika. Voilà qu’en plus on venait de l’informer que son vol était retardé, décidément, ce pays ne lui aurait offert que des déceptions.

    Cela faisait cinq ans que l’étudiante de « Kirstenbär » avait débarqué dans ce pays voisin que l’on prétendait ami. Pourtant les amis qu’elle s’était fait ne se comptaient pas sur une pleine main. En débarquant elle était si fière de pratiquer ce français qu’elle avait étudié au collège et au lycée mais qu’on ne lui avait pas permis d’expérimenter. Alors lorsqu’elle avait reçu ce courrier de l’université de la Sorbonne lui signifiant son acceptation en tant qu’étudiante étrangère, ses cris de joie s’étaient fait entendre jusqu’à Wiesbaden, tant leur intensité était puissante. Depuis ses douze ans elle s’était promise de revenir dans ce pays.

    C’était les années 70, dans cette Allemagne encore séparée par le mur de la honte, l’Europe commençait à inscrire ses premières pages de gloire. En France chaque ville, ou village commençait à instaurer des jumelages avec les villes d’outre Rhin. Il fallait cicatriser les plaies encore béantes parfois, de cette guerre immonde et sanguinaire. Le terrorisme croissait un peu partout, la patrie de Goethe n’était pas épargnée. Alors quand on la commune offrit à la timide Erica de se rendre en France pour le jumelage entre « Kirstenbär » et Argentré en Mayenne, elle n’avait pas hésité une seconde.
    Comme elle avait apprécié cette campagne aux essences un peu plus diversifiées que la sienne, l’accueil de ses gens dont elle ne susurrait encore que des bribes de mots. Et puis Sophie, la fille des gens qui l’accueillaient, se voulait si gentille, si amicale, leurs échanges avaient été si chaleureux. Lors du départ, les larmes avaient jailli de part et d’autre et on s’était juré de rester en contact. Pendant trois ans les deux filles avaient échangé des lettres dans les deux langues, ce qui avait permis à l’une et à l’autre de parfaire la langue étrangère. Et l’adolescence ayant pris le pas, Erica et Sophie s’étaient presque oublié, cependant la jeune allemande n’avait pas oublié la France.

    Elle se retrouvait donc là abandonnée dans ce hall d’aéroport sinistre où personne n’était venue l’accompagner, sous prétexte qu’elle avait volé le petit ami d’une camarade. Pourtant elle n’était pas responsable si Thierry l’avait séduite, elle ignorait encore qu’il fût engagé avec Line. La relation entre Erika et Thierry n’avait duré qu’une année, mais la rancune reste fidèle lorsque les jeunes femmes s’y engagent et les amies de Line avaient fait front contre la « salope » d’allemande. Certes, elle avait gardé des amies pendant les cinq années, elles avaient su la soutenir, voire même la défendre, mais elles n’avaient pas tenu sous le poids des menaces du clan de Line. Il y avait bien eu quelques garçons aussi dans le flot disséminé des amis, l’un d’entre eux particulièrement avait su atteindre son cœur, Herbert. Les branchés du campus le surnommaient « Herbie la science », une façon vindicative d’exprimer leur mépris de ce garçon ni beau ni laid pour qui les évènements climatiques et la pression atmosphérique n’avaient aucun secret. Pour tous, il revêtait des allures de ringard, c’est sans doute ce qui avait attendri Erika, et l’avait incité à mieux le connaître. Elle avait fini par découvrir que tout ce savoir émanait d’un goût pour la vie, la nature, la beauté et cela l’avait séduite au point que l’amour avait germé entre ces deux là. Pourtant lui non plus n’était pas là, ce soir à Roissy. Il n’avait pas daigné l’accompagner, d’ailleurs s’il l’avait suppliée, elle ne serait sans doute pas partie. Tant d’images la submergeaient de ces années universitaires. Elle se souvenait aussi de l’information qu’elle avait découvert de manière inopinée sur le net relatant la mort d’une jeune femme d’origine mayennaise et qu’on avait retrouvée violée et assassinée dans un village de l’Aveyron. Il ne lui avait fallu que peu de temps avant de découvrir qu’il s’agissait de Sophie, son ancienne correspondante et amie, cela l’avait affectée au plus haut point, songeant que si elles étaient restées en contact comme elles se l’étaient promis, rien ne serait arrivé.

    Une demi-heure seulement venait de s’écouler. Le temps s’éternisait dans ce lieu inhumain. Elle pensait que Herbert ne lui avait pas donné la moindre nouvelle de lui, il s’était contenté de griffonner quelques mots sur un papier « c’est fini, adieu », sans autre explication. Evidemment, elle s’était renseignée partout afin de savoir, de comprendre, mais partout on lui avait répondu : « Il ne veut plus te voir ! Casse-toi ! » Elle s’était résignée, se disant qu’elle ne comprendrait jamais ces français « stupides et fous. »

    La voix annonça que l’arrivée du vol 711 en provenance d’Amsterdam, était retardé. Décidément rien ne fonctionnait dans ce pays ni les gens ni les avions, pensait-elle. Dix-huit heure- trente-trois, la pendule semblait ne pas vouloir tourner. La horde des badauds s’éparpillait d’un côté et de l’autre de son lieu d’asile. Certains grommelaient, d’autres pestaient franchement contre cette compagnie qui ne respectait jamais ses horaires. Ici un couple se séparait, il s’évanouissait au cœur de la marée humaine tandis qu’elle pleurait ce départ provisoire ou définitif. Ailleurs une famille se retrouvait, les enfants venus rejoindre leurs parents se précipitaient dans leurs bras à coups de sourires et de cris. Partout des hommes et des femmes vivaient des émotions, des souffrances, des joies, séparation ou retrouvailles pour Erika tout ceci n’étaient que tranches de vies qui la laissaient presque indifférente. Elle avait hâte de recouvrer son passé, la maison de son enfance, la vielle tante Elga qui l’attendait, celle qui l’avait élevé depuis la mort de ses parents survenue dans sa petite enfance. Comme il lui manquait le sourire d’Elga, ce sourire égayé de douceur et de bonté. Elga était la tendresse personnifié, et la bonne humeur faite femme. Jamais elle n’avait exprimée à sa nièce sa souffrance de femme abandonnée par son mari d’abord et ses enfants ensuite, ni la douleur que sa jambe malade qui lui ressassait son imprudence d’avoir négligé cette phlébite qui la harcelait depuis si longtemps. Elle allait retrouver également Kurt, son ami d’enfance qui avait étudié aux Etats-Unis et dont elle venait d’apprendre son retour au pays où il avait créer un restaurant. Elle n’oubliait pas non plus Birgitt, l’amie des premiers jours, celle à qui elle pouvait tout confié. Elle se sentait si mal de l’avoir négligé. Une lettre et deux mails en cinq ans, voilà qui témoignait de peu de fidélité à l’égard de celle qu’elle considérait comme une sœur. Décidément ce pays l’avait étouffé, absorbé, enseveli parmi son magma de désolation. En se consacrant aux français qui l’avaient bel et bien lâchée, elle en avait oublié tous ceux qui chez elle, lui avaient tant apporté.

    Encore une heure d’attente, « pourvu qu’ils ne retardent pas encore » se disait elle, « je n’aurais jamais la patience d’attendre plus » Fatiguée et écœurée, elle s’abandonnait, le visage dans les mains pour oublier. Quelqu’un l’aborda, elle entendit une voix masculine lui demander :

    n Vous allez à Francfort ?
    n Oui,( répondit-elle inquiète en levant la tête)
    n Vous semblez triste ! Un…chagrin d’amour, peut-être ?
    n Oui ! Enfin si on veut, je veux dire pas seulement !
    n Excusez-moi je dois vous paraître trop curieux !
    n Non, au contraire, j’ai besoin de parler !
    n Je me présente, Louis Desmarets, voyageur de commerce !
    n Enchantée ! Erika Wiesen, étudiante !
    n Vous devez me trouver un peu solennel, mais l’éducation vous savez, on a beau essayer de s’en défaire, on ne peut pas lutter contre.
    n Ne vous en défendez pas, ça change tellement des autres !
    n Dois-je comprendre que les français vous ont déçu ?
    n Exactement ! Je les croyais plus… comment dire…
    n Délicats ?
    n Oui c’est cela ! Ils sont cruels, injustes, ronchons, rancuniers, sauvages, pervers…
    n C’est tout ?
    n Excusez-moi, je suis en colère !
    n J’entends bien, mais si je demeure l’unique spécimen du bon goût français, j’ai fort à faire !
    n Je suis ridicule ! C’est cet avion là et puis tout le reste !
    n Si nous attendions votre avion ailleurs, je vous propose d’aller au bar, vous y seriez plus à votre aise !
    n Oh non, je vous remercie, je préfère attendre ici !
    n Vous savez là bas aussi il y a une pendule et on entend aussi bien les annonces !
    n Je dois vous paraître idiote !
    n Cela fait deux fois que vous vous dépréciez, cela m’inquiète !

    Elle remarqua qu’il n’était pas seulement courtois et respectueux, mais la profondeur de son regard d’azur reflétait une douceur et une vraie bonté qui réchauffait le cœur. Elle accrocha ses yeux mentholés à ce regard ami, qui semblait vouloir la soustraire à cette pression qui l’assommait depuis son arrivée à l’aéroport. Mais que lui voulait cet homme ? S’il avait envie de la « sauter » il n’en n’était pas question, elle n’en n’avait ni le cœur, ni le temps !
    Mais sa façon de parler, ses manières, ses gestes, sa voix, et ses regards intéressés lui apportait un peu de cette chaleur qui lui avait tant fait défaut au long de ses cinq années écoulées. Ils parlèrent ainsi durant de longues minutes au point que la jeune femme faillit oublier la pendule qui indiquait 18h55.

    n Oh excusez-moi, (dit-elle) je dois me rendre vers le couloir d’embarquement !
    n Mais je vous en prie, cela a été un plaisir ! Puis-je vous demander si nous serons amenés à nous revoir ? Cela me ferait un réel plaisir !
    n Je suis désolé, je ne pense pas je rentre chez moi, et je n’aurais plus l’occasion de revenir en France !
    n Ce pays vous a tant déçu ?
    n Je dois dire honnêtement que notre rencontre est la meilleure chose que j’y ai vécue
    n Dois-je m’en réjouir ou le déplorer ?
    n Prenez-le comme un compliment !
    n Il me va droit au cœur ! Bon voyage mademoiselle Wiesen !
    n Erika, je vous en prie ! Tenez voici mon numéro de portable !

    Il n’eut même pas le temps de la remercier, déjà elle s’évanouissait parmi la nuée des voyageurs. Il tenait précieusement ce papier à la main qui pouvait lui permettre de présager un lendemain à cette rencontre. Puis, songeant que cela ne se ferait pas, il jeta le papier dans la poubelle la plus proche. Il fit quelques pas, et se reprit, il ressortit de la corbeille cette archive qu’il enfouit presque machinalement dans sa poche.



    FIN







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